Je fais partie de ces personnes qui estiment que les mots ont un sens. Ils sont le reflet de nos pensées, de nos opinions, de nos biais, on encore des choses que l’on discrimine… parfois même sans s’en rendre compte. Les personnes de mauvaise foi auront tendance à dire que je “joue avec les mots”, comme cela arrive souvent sur les réseaux sociaux. Même si c’est partiellement vrai, je considère plutôt que je sais choisir mon vocabulaire pour exprimer mes idées de façon précise. Le rôle des mots, quoi. Sauf qu’utiliser les termes fille et femme comme étant identiques, ça ne passe plus.
(Attention, le but n’est pas de faire du mépris de classe ou de discriminer qui que ce soit. Je sais que niveau Français, j’ai des privilèges par rapport à d’autres. Toutefois, je ne m’en vante pas. Je fais seulement un constat, sans chercher à écraser qui que ce soit.)
Si j’aborde ce sujet aujourd’hui, c’est que je suis lassée de voir des gens tenir des paroles sexistes sans même qu’iels s’en rendent compte. C’est particulièrement flagrant quand on appelle “fille” une femme adulte. C’est sur ce tic de langage que l’on se pose dans cet article
Appeler une femme “fille”. En quoi est-ce problématique? Quelles sont les connotations sexistes de ce terme? Qu’est-ce qui différencient ces deux mots? Quel est le rapport avec le féminisme?
Précision avant de commencer: je ne parle évidemment pas de la situation amicale ou un groupe d’amies s’appelle “les filles”. J’évoque donc dans cet article le côté infantilisant, sexiste et globalement irrespectueux du terme quand il est évoqué de façon générale.
Définir les termes fille et femme
Comme écrit plus haut, chaque mot a un sens, et c’est cette richesse de vocabulaire qui permet d’exprimer des idées précises… Ou qui peut faire exprimer des maladresses. Tout d’abord examinons la la base: les définitions.
J’avais initialement choisi le dictionnaire Larousse avant de constater que les définitions comportaient des éléments sexistes. Ne me demande pas pourquoi j’avais choisi ce dictionnaire à la base, j’avais juste pris le premier venu sur Google et j’ai tiqué en lisant leurs définitions. Afin d’être sûre de ne pas surinterpréter les définitions, une petite recherche a confirmé mon sentiment: le dictionnaire Larousse rencontre effectivement des problèmes à cause de nombreuses définitions sexistes. J’utiliserai donc les définitions au dictionnaire Robert, qui n’est pas parfait mais qui est moins pire. Je te laisse tout de même l’accès aux définitions de fille et de femme sur le Larousse afin que tu te fasses ton avis par toi-même, et que tu puisses comparer avec les définitions citées dans cet article.
Fille, nom féminin
- (opposé à fils) La fille de qqn, sa fille : personne du sexe féminin considérée par rapport à son père, à sa mère. C’est sa fille aînée ; sa fille cadette. Fille adoptive.
- (familier) Ma fille (terme d’affection).
- (littéraire) Descendante. Une fille de rois.
- (par plaisanterie) Fille d’Ève : femme.
- (opposé à garçon) Enfant du sexe féminin.
- (dans des locutions) Petite fille : enfant du sexe féminin jusqu’à l’âge nubile. ➙ fillette.
- Jeune fille : fille nubile ou femme jeune non mariée (équivalent plus soutenu de fille, ci-dessous). ➙ demoiselle ; mademoiselle. « À l’ombre des jeunes filles en fleurs » (de Proust). Une grande, une petite jeune fille (selon l’âge). Une jeune fille et un jeune homme ; et des jeunes gens.
- (souvent avec un déterminatif) Jeune fille ; jeune femme. Une jolie fille. Proverbe: La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a.
- (en fonction d’adjectif) Elle est assez belle fille.
- (vieilli) Femme non mariée. Elle est restée fille.
- (vieilli) Fille-mère : mère célibataire.
- Vieille fille : femme qui a atteint ou passé l’âge mûr sans se marier (péjoratif ; implique un jugement social défavorable).
- Prostituée.
- (locution) Fille publique, fille des rues, fille de joie (même sens).
- Nom donné à certaines religieuses. Filles du Calvaire.
- (vieilli) Fille de, jeune fille ou femme employée à une fonction, un travail. Fille de ferme, de cuisine. Fille de salle : femme de ménage (dans certaines collectivités).
Femme, nom féminin
- Être humain du sexe féminin.
- Adulte de sexe féminin. ➙ aussi fille, fillette, jeune fille. Les hommes, les femmes et les enfants. Une jeune femme.
- (profession) Femme d’État, de loi, d’affaires, de lettres. Femme de chambre, attachée au service intérieur d’une maison, d’un hôtel.
- Femme de ménage, qui vient faire le ménage dans une maison. Ou femme de service, chargée du nettoyage.
- (collectif) La femme : l’ensemble des femmes (envisagé au plan biologique, au plan de l’image sociale, etc.). Sexualité de la femme. Émancipation de la femme.
- (en attribut) Être femme : présenter les caractères considérés comme propres aux femmes.
- (locution) Femme de tête, intelligente et efficace. Maîtresse femme, qui sait se faire obéir.
- Femme au foyer, qui n’exerce pas de profession.
- Femme fatale*, Femme-objet, considérée comme un objet (sexuel) et non comme une personne, un sujet. Des femmes-objets.
- ➙ bonne femme. ➙ sage-femme.
- Femme unie par le mariage. ➙ conjoint, époux. Il est venu avec sa femme. Sa première, sa seconde femme.
- Prendre pour femme, épouser (une femme).
Les différences entre fille et femme
En lisant les définitions, il est évident que les mots femme et fille n’ont pas la même signification. Une femme, c’est avant tout une adulte, avec des droits, des devoirs et des responsabilités. Son premier sens est même “être humain”. À contrario, une fille est une enfant… aucune notion d’humanité dans la définition. Servilité, sexualisation, infantilisation…
Pourquoi certaines personnes s’obstinent donc à nommer des femmes filles? Parce que quitte à utiliser n’importe quel mot pour désigner une personne de genre féminin, autant directement les appeler femelles et basta?! (humour, ironie, sarcasme dans le but de montrer que les mots sont lourds de sens et que tout n’est pas adapté.)
La dimension problématique de l’emploi du terme fille pour désigner une femme
Pour commencer, posons la base: ce sont majoritairement des hommes cisgenres qui ont ce défaut de langage. Vas sur Twitter si tu cherches des exemples dans ce sens. Je pars donc du principe que ce genre de paroles viennent d’eux, même si le sexisme existe même chez les femmes. (Ne commencez pas avec vos “Not All Men “, depuis 2017 vous avez largement eu le temps de comprendre en quoi on ne veut plus entendre ça. A défaut, un article est en cours d’écriture sur le sujet.)
Sexiste
Un petit garçon, on l’appelle Monsieur. Pour une petite fille, on l’appelle mademoiselle jusqu’à ce qu’elle fasse ses preuves et devienne femme. En se mariant, en ayant des enfants, en prenant de l’âge… Même si le terme mademoiselle tend à disparaitre petit à petit. Ce que cela souligne, c’est que dès le début de nos vies, les deux genres ne sont pas considérés comme égaux. C’est la base du sexisme. Appeler une femme fille, c’est la différencier des hommes que l’on n’appelle pas autant “garçons”. C’est aussi considérer qu’elle n’est pas mariée et l’infantiliser. Si si.
Infantilisant
Rappelons-nous des définitions. Une fille est mineure, une femme est majeure. Tu trouves qu’il n’y a pas de différence? Une fille est une enfant, ou ado. Un adulte qui la convoite est par définition pédophile, donc. Elle est sous la responsabilité d’au moins parents ou un responsable légal. Elle n’a ni la maturité ni l’expérience de vie d’une adulte. Le plus souvent, elle aura aussi un corps non pubère. Elle n’a pas le droit de vote, est encore à l’école dans la majorité des cas, et ou alors en apprentissage, et donc pas indépendante financièrement. Voilà ce que vous évoquez quand vous appelez une femme “fille”. Vous l’infantilisez au sens propre du terme, et lui enlevez sa maturité, son expérience de vie, son indépendance, ses droits et ses responsabilités… pour mieux la sexualiser.
Sexualisant
Donner le nom de fille à une femme, c’est aussi la sexualiser. Cette connotation sexuelle vient de la prostitution, avec des synonymes tels que “fille de joie”. Sans parler de l’aspect pédophile qui fait que les critères de beauté féminins bannissent poils, rides, cellulite… Toute trace de vie passée, parce qu’on le sait, une femme qui a connu beaucoup d’hommes dégoûte la gente masculine de base, primitive. On mêle avec brio sexualisation et infantilisation, c’est beau ❤ (non.)
Et qui dit sexualisation dit aussi objet à défaut d’être une personne adulte et pensante. Quand on entend un homme parler de la dernière femme qu’il a ramené dans son lit, on entend largement plus cet homme parler d’une fille que d’une femme. Dans le vocabulaire courant, il est malheureusement d’usage de parler de fille quand on parle d’une femme qui a une sexualité décomplexée, et de femme quand on parle d’une personne qui semble plus raisonnable pour la bien-pensance. Si ce genre de différence t’intéresse quand ça évoque l’idée du respect de son corps et de ses valeurs, cet article peut t’intéresser.
Conclusion
Voilà ce que ça veut dire, d’appeler une femme “fille”. En plus d’être sexiste, c’est infantilisant et ça nous sexualise.
Donc appelle un chat un chat. Tu es un homme majeur célibataire hétéro à la recherche de l’amour ou d’une relation plus légère? Tu veux donc rencontrer une femme, ou peut-être même que tu en as déjà rencontré. Si tu n’es pas un beauf sexiste, parle de femmes et non de filles. Tu es une femme et tu parles d’une semblable adulte? C’est une femme, pas une fille. Et si tu es une femme et que ça ne te déranges pas que l’on te qualifie de” fille”, c’est toi que ça regarde, et c’est ok. Chacune notre rythme en terme de déconstruction, l’essentiel étant une évolution des mentalités. Mais ce n’est pas le cas de nous toutes. Alors dans le doute, vas au plus simple: appelle-la femme parce qu’elle l’est, et c’est tout. Choisis par défaut un terme qui ne manquera de respect à personne, c’est le plus simple!
Il est aussi question de sexisme ordinaire, c’est à dire de sexisme tellement ancré dans nos mœurs qu’il nous semble normal et qu’on ne le remarque pas. Et qui dit sexisme intériorisé, dit qu’il vient de toutes les bouches, peu importe les genres. Il n’y a pas que les hommes cisgenres et hétéros qui sont sexistes, tout le monde peut l’être sans même le savoir. C’est un sujet très vaste auquel je pense m’attaquer, mais j’ai préféré me focus sur un terme en particulier pour introduire cette notion, en attendant l’article dédié. Personne n’est parfait, personne n’est à 100% déconstruit. Ça se fait avec le temps, quand on en a la volonté et l’énergie. L’essentiel est d’en être conscient•e, de savoir reconnaître quand on fait une maladresse, et d’évoluer en conséquence, si le déclic ne vient pas d’une initiative personnelle.
J’espère que cet article t’aura aidé à y voir plus clair et à comprendre en quoi un tel tic de langage est problématique. Si tu as des questions, ou si tu veux partager quelque chose sur ce sujet, les commentaires sont ouverts au moment que ton propos est respectueux. 💜
Là par contre je comprends pas du tout car filles n’est pas utilisé en opposé à hommes. Déjà hommes s’utilisent rarement, et souvent dans les mêmes cas où on dit femmes. Et quand on parle de manière générale, déjà quand on dit pas mecs/meufs, on dit plutôt gars/fille. Sauf que gars, c’est l’abréviation de garçons, en une seule syllabe. Et il se trouve que oui, quand on réduit fille à une seule syllabe on retombe sur fille. Mais filles et gars concrètement ça veut dire la même chose. Même si je vois plus souvent “meufs” quand même, après ça dépend peut-être de la classe sociale ça aussi.
Encore une fois, tu n’as pas compris l’article, que je t’invite à relire.
Sauf que personne n’utilise “hommes”. A part pour les vestiaires ou les toilettes, personne ne le dit. Et je ne vois pas en quoi “fille” ce serait rabaissant si on utilise aussi “gars” qui est littéralement le diminutif de “garçon”. Ce sont des termes qui sont utilisés comme équivalents, et pour le coup je ne comprends pas pourquoi sexiste d’utiliser “filles” mais pas “gars” dans ce cas ?
Si. Et si tu ne vois pas en quoi c’est rabaissant, relis cet article au lieu de t’obstiner à commenter ce que tu ne comprends pas.
Je ne te dois rien, et encore moins le débat. Mais merci pour mon référencement, les hommes haineux comme toi qui veulent à tout prix avoir raison améliorent leur référencement déjà excellent de mon site.
Je ne suis d’aucun réseau social, je ne peux alors donner qu’un avis qui concerne le vie vécue en face à face. Je suis de ceux qui disent “les filles” et auquel les filles répondent souvent par “les mecs” ou “les gars”. Les mots ont un sens, c’est vrai, mais le contexte fait varier le sens autant de fois qu’il y a de contextes. Il y a une expression que j’ai couramment utilisée, tout autant que j’ai entendu des femmes l’utiliser : “s’habiller en fille”, qui signifie délaisser le pantalon. En me posant intimement la question, je crois qu’à chaque fois que l’expression a été utilisée, par moi ou en ma présence, je n’ai jamais senti la moindre intention réductrice. C’était un sourire, comme d’autres sourires sont faits au sexe masculin sans qu’il en prenne ombrage.
Quand on prend de l’âge et qu’on garde “les filles” dans le langage courant, et que les femmes qui prennent tout autant d’âge nous appellent “les garçons”, ce n’est en rien discriminant. C’est une façon d’effacer un peu ces quelques décennies qui nous séparent de ce que nous avons été, des filles et des gars. Se déclarer femme, se déclarer homme, c’est tellement sérieux… Sans rien renier de ma masculinité, que je vis sans en faire étalage puisque c’est une question purement intime, je préfère qu’on me définisse comme un garçon. Je suis un garçon qui aime les filles, et aussi parfois les garçons mais quand même, davantage les filles. Les filles sont dans l’imaginaire des garçons, et probable que l’inverse soit vrai.
Le mot n’est que ce qu’on décide d’en faire. Faire une arme du mot “femme” est un choix délibéré, bien plus délibéré que l’usage coutumier qui peut être fait du mot “fille”. Maintenant je ne remets pas en cause votre lecture de ces réseaux sociaux que je ne fréquente pas. Et je vous fais part de ce qui me traverse l’esprit à l’instant même : “J’aime les filles” de Jacques Dutronc. A opposer à “Femme des années 80 de Sardou”‘.
Oui, je suis d’accord, c’est furieusement tendancieux.
Maintenant je vais vous poser une question à laquelle je n’ai pas de réponse, et plus j’avance en âge et moins j’en ai : quand cesse-t-on d’être une jeune fille pour devenir une jeune femme ? A l’œil précédé des lunettes du temps passé sur terre, cela ne se distingue pas bien. Fille ou femme, il s’agit probablement bien davantage d’un cheminement intérieur qu’un état relevant de l’identité administrative qui d’un coup, cesserait de vous compter parmi les unes pour vous comptabiliser parmi les autres. Ce qui importe essentiellement c’est plus notre rapport à nous-même que celui envers les mots qui peuvent éventuellement nous désigner.
Je crois qu’il ne faut pas en faire un fromage, de l’emploi du mot “fille”. Dans la chanson de Dutronc, ce n’est absolument pas réducteur ni infantilisant. C’est, au contraire, sacrément sexué et à aucun moment on suppose qu’il aime les petites filles. Il parle des femmes et tout le monde l’a compris. Mais faut pas se leurrer, le mot “femme” porte sa part de sexualité, tout autant que le mot “homme”.
Oui, les mots ont un sens, mais l’usage perturbe et pervertit le mot. Le ressenti du même mot perturbe et pervertit encore plus l’intention première qui a émit ce mot. Affirmer le mot “Femme” est à mes yeux plus définissant que le mot “fille” relevé au fil d’une écriture qui s’en tape un peu du féminisme. Je vais faire un bref parallèle : le mot “fraternité” n’a jamais été pensé dans l’esprit de ceux qui l’employaient comme étant réducteur. De fait, la fraternité c’est entre frères, étymologiquement. Mais seulement dans le dictionnaire. L’apparition du terme “sororité” a essentialisé de fait un terme dont l’emploi était absolument neutre. On est bien d’accord, on ne parle que du mot, pas de la réalité sociétale et de ces différenciations d’un autre âge, mais qui perdurent.
On a redonné à un mot sa signification étymologique mais on a créé une différenciation, et je ne suis pas sûr que la lettre y trouve son compte.
Aussi je me sens libre de crier “vivent les filles”, et les filles de mon âge seront ravies que je les appelle “les filles”. La soixantaine passée, c’est un plaisir qui ne se refuse pas.
Bonjour Gaspard. Continuer les surnoms infantilisants est quand même du sexisme. Alors bien sûr, pas du sexisme hostile, mais plutôt du sexisme intériorisé, banalisé. Employer des mots infantilisants pour une femme et non pour un homme est bien et bien sexiste.
Ce “plaisir” est un plaisir sexiste, Gaspard. Tu es en train de nier le fait que je dise que c’est sexiste pour ensuite mettre l’accent sur le fait que c’est un plaisir pour toi. Ne remets pas en cause le discours des femmes subissant le sexisme pour mettre en avant que non, que c’est bien de nous infantiliser. Par la dernière phrase de ton commentaire survolé à la diagonale, tu manifestes ton mépris pour le discours des victimes du sexisme, qu’il soit hostile, bienveillant, ou banalisé.