Aujourd’hui, je suis dans ma seizième semaine. Mon premier trimestre est terminé, donc voici un récapitulatif de ces trois premiers mois merveilleux (non). Cette période a été rythmée d’angoisses, de douleurs et de vomissements vraiment désagréables… ainsi que de beaucoup de culpabilité sur plusieurs sujets. Aujourd’hui, certains de ces symptômes se sont calmés, et je me sens un peu mieux. C’est donc l’occasion de revenir sur cette période compliquée. Inutile de préciser qu’aucun propos discriminant, insultant, ou qu’aucun jugement de valeurs ne sera toléré. Cela amènera à un ban définitif du site et de tous les réseaux sociaux sur lesquels je suis.
Avant de commencer, gros TW:
Si les sujets de la fausse couche ou du suicide te font du mal, ne lis pas cet article.
Comment j’ai appris ma grossesse?
Je n’avais plus de contraception depuis que j’avais appris pour mon SOPK1. Je n’ovule que 2 à 3 fois par an, et encore… quand j’ovule, il arrive parfois que cette ovulation ne permette pas de créer un embryon viable. Ça faisait tellement longtemps que je ne tombais pas enceinte et que j’enchainais les tests de grossesse négatifs que pour moi, c’était foutu. Ma gynéco avait commencé à me parler de PMA, donc à force, j’étais convaincue que ça ne pourrait pas arriver. Et que si ça arrivait, je ferai sûrement une fausse couche. Ce n’est pas être pessimiste, c’est être réaliste par rapport à ma situation et ma fertilité.
À la mi-janvier, j’ai eu de grosses douleurs au ventre. Deux ans auparavant, j’ai un kyste ovarien qui s’était rompu. Cette douleur y ressemblait beaucoup, donc je suis allée aux urgences. Et finalement, la prise de sang des HCG était à 513. Vu mes douleurs, les médecins n’étaient pas forcément optimistes. Ils avaient peur d’une grossesse extra-utérine, vu que rien n’avait été vu à l’échographie. On ma dit de revenir 48h plus tard pour faire une nouvelle prise de sang et voir si le taux augmentait. Et pourquoi pas essayer de faire une échographie. Quand j’y suis retournée, toujours rien à l’échographie, mais toujours des douleurs… et mon taux avait plus que doublé. C’était donc une grossesse évolutive. On m’a laissé rentrer chez moi, et recommandé de revenir si les douleurs ne se calmaient pas ou si ça empirait, en me demandant de surveiller ma température.

On m’a plusieurs fois dit que j’étais tombée enceinte parce que je n’y pensais plus et que c’était un signe. Ce n’est pas mon cas. Déjà parce que je ne crois pas à ce genre de choses. Les problèmes de fertilité ne dépendent pas que du mental. Ça peut éventuellement être vrai quand on y croit pour des personnes en bonne santé. Mais dans mon cas, ce n’était pas “un signe”. Dans mon cas, il s’agit de problèmes hormonaux. Des fois j’ovule, des fois pas. Je n’étais pas du genre à me prendre la tête et à souhaiter à tout prix être enceinte. Ça faisait presque un an que je m’étais fait une raison, et qu’on passerait par une PMA ou une stimulation ovarienne.
Ça n’a rien à voir avec le cas classique du “je crève d’envie d’être enceinte, je me prends la tête tous les mois à faire des tests et pile à ce mois ci ou j’ai arrêté de me prendre la tête ça a marché”. Ce genre de phrases partent d’un bon sentiment au départ. Mais au final, elles ne font que minimiser des problèmes de santé déjà existants… Et induisent qu’en fait, tout va bien, “c’est juste dans ta tête”. Et ça peut être très blessant.
Mon premier trimestre
Douleurs et oxycodone
Comme tu le sais peut-être, niveau santé, je ne suis pas au top de ma forme. Un article sur mon handicap est en cours d’écriture, donc je ne vais pas tout te raconter ici. Mais pour faire simple, je souffre de douleurs très invalidantes et je suis sous morphine, plus précisément sous oxycodone. Je prends ce traitement depuis environ deux ans. Ma première préoccupation dès que j’ai découvert ma grossesse, c’était donc mon traitement et les risques qu’il comportait.
Il faut savoir que l’oxycodone est une substance qui se prescrit souvent aux personnes souffrant de cancers, pour calmer leurs douleurs. Si je prends ce traitement, c’est que j’ai tout essayé avant, sans succès. Le problème, c’est qu’elle est hautement addictive, et que le corps s’y habitue très très vite.
Au moment ou j’ai appris ma grossesse, je prenais trois médicaments spécialement contre la douleur:
- De l’oxycodone à libération prolongée à 20mg matin et soir. C’est un traitement de fond qui de diffuse tout au long de la journée. Il doit être pris toutes les 12 heures. Le moindre retard provoque des douleurs terribles. J’étais montée à 40 et on avait petit à petit réussi à réduire ce dosage avant que j’apprenne ma grossesse. On était monté inutilement beaucoup trop haut, mes douleurs n’étaient pas plus supportables à 40 qu’à 20.
- Des interdoses d’oxycodone à libération rapide en journée de 10mg. Je pouvais en prendre maximum toutes les quatre heures, elles me sont devenues indispensables. Autant te dire que sur les 6 autorisées par tranches de 24 heures, j’en prenais entre 4 et 6.
- Du Laroxyl à 50mg, qui est un stabilisateur d’humeur et qui a une action sur la douleur. Pas d’addiction à ce médicament, il m’aide beaucoup. Après deux ans de douleurs ininterrompues, autant te dire qu’on devient vite zinzin. Dans ces cas là, un médicament pour stabiliser l’humeur est nécessaire.
Pour chaque tranche de 24 heures, j’étais donc entre 90 et 100mg d’oxycodone, ce qui est énorme. À titre de comparaison, j’avais trouvé un forum de toxicomanes parlant de leur conso d’oxycodone. Les plus gourmands dépassaient rarement les 100mg, alors que j’avais atteint par le passé les 140mg par 24 heures. Oui, c’est flippant comme comparaison. Je prenais des doses qui auraient pu tuer une personne qui n’a jamais pris de telles substances. Pour les effets secondaires, je t’en parlerai dans un article dédié.
Le sevrage forcé
Quand j’ai eu confirmation que ma grossesse était évolutive, j’ai donc contacté directement mon algologue pour savoir quoi faire par rapport à l’oxycodone. Et c’est là que j’ai merdé. Elle m’a dit au téléphone qu’il faudrait arrêter les interdoses de la journée. Il aurait fallu que je comprenne qu’il fallait faire ça progressivement, à gérer avec mon médecin traitant pour diminuer petit à petit pour éviter un trop gros syndrome de sevrage. Mais petit boulet angoissé que je suis, je n’ai pas compris ça comme ça, et j’ai essayé d’arrêter les interdoses d’un coup. Autant te dire que j’ai passé les pires deux semaines de ma vie.
Je savais d’avance que ça serait difficile à vivre, le manque. Mais je voulais bien faire, et j’avais très peur que l’oxycodone fasse du mal à ma grossesse. Après deux fausses couches et avec un traitement potentiellement dangereux et un trouble anxieux généralisé, difficile d’être rationnelle. J’avais recueilli plusieurs témoignages de toxicomanes qui avaient arrêté de façon assez brutale, et tous ces témoignages disaient qu’au bout de deux semaines grand max, ça va mieux du jour au lendemain. Je me raccrochais à ça, j’étais prête à avoir très mal pour sauver ma grossesse. Je ne me sentais pas capable d’en perdre une troisième.
Ces deux semaines ont été les pires de ma vie, sans exagération. J’en étais arrivée au point ou j’étais à un cheveu de me jeter en l’air, ou de prendre la décision d’avorter, alors que tomber enceinte est très difficile pour moi. Les douleurs étaient très très fortes, bien plus que d’habitude, et c’était permanent. Mais j’ai tenu bon! J’ai quand même appelé mon algologue parce que ça allait vraiment très mal, et on a augmenté mon traitement à libération prolongée. En deux jours, c’était fini! Je me sentais aussi bien en passant 30mg en libération prolongée sans aucune interdose, qu’à 20mg avec 60 d’interdoses… Ça montre bien que finalement, j’étais bien bien accro. Pour la suite de la grossesse, on va diminuer de 5mg tous les mois, afin que j’ai le dosage le plus bas possible pour la naissance, dans la mesure du possible évidemment.
L’impact de l’oxycodone sur le bébé
L’oxycodone n’a pas d’effet tératogène. Cela veut dire que ce médicament ne provoque pas de malformations particulières. Une étude sur le CRAT démontre que sur 40 grossesses de mères sous stupéfiants, seulement 2 des nouveaux-nés allaités avaient des signes de sédation, et 1 avait encore des traces d’oxycodone dans le sang dans les trois jours suivant sa naissance. Les symptômes de sevrage sont bien gérés par les équipes néonatales, mon obstétricienne s’est montrée optimiste. Dans le cas ou le bébé aurait un syndrome de manque, les symptômes seraient de l’irritabilité, beaucoup de pleurs très aigus, et un tonus plus élevé que la moyenne.
Les risques sont donc assez faibles, et ils sont connus et bien gérés par les équipes médicales. Afin de ne pas prendre de risque supplémentaires, je n’allaiterai pas.
Symptômes de grossesse
Au niveau de mes symptômes de grossesse, je pense que j’ai eu les mêmes que tout le monde au premier trimestre. J’ai eu énormément de fatigue, amplifiée par le fait que je ne peux pas dormir autant que je devrais à cause de mes douleurs. C’est donc un grand cercle vicieux, entre les douleurs et la fatigue. J’ai mal donc je ne peux pas dormir, mais plus je suis fatiguée et plus j’ai mal.
J’ai eu aussi, et dès le début, beaucoup de remontées acides.
Là ou j’ai été contente, c’est que jusqu’à 6 semaines, je n’avais ni nausées ni vomissements. Étant émetophobe3, j’étais vraiment contente… jusqu’à ce que mon estomac me rattrape. Et j’ai vite déchanté, jusqu’à haïr ma grossesse. Je me suis donc posée plein de questions. Pourquoi on appelle ça les “nausées matinales” alors que c’est en permanence? Est-ce que c’est parce que si on disait la vérité, plus personne ne voudrait tomber enceinte? Du coup, on essayait de me soulager avec la phrase toute faite qui vient quand la première s’avère fausse. “Ne t’inquiètes pas, à partir de la 12ème semaine, les nausées et les vomissements s’arrêteront d’un coup!“. Maintenant, j’en suis au troisième stade, qui est le “Oh ma pauvre, moi aussi ça m’a duré jusqu’au bout!“.
Et si on arrêtait de donner de faux espoirs aux femmes enceintes qui vivent un premier trimestre de merde? Et si on se mettait à être réalistes un peu? On serait déjà mieux informées. (parce que clairement, si on n’en sait peu sur le post-partum, c’est exactement pour les mêmes raisons: les gens n’en parlent pas et te laissent découvrir ça seule.). On serait aussi plus sereines, et surtout, on saurait à quoi s’attendre. Oui, le premier trimestre est une période de merde pas possible, il faut le dire.
Détester être enceinte, c’est possible, et ça ne fait pas de toi une mauvaise personne. Arrêtons aussi de dire des trucs comme “Dès que ton bébé sera là, tu oublieras à quel point c’était difficile“. Quand c’est vraiment difficile autant psychologiquement que physiquement, non, on n’oublie pas. Quand on arrive au point de vouloir se suicider ou avorter, non, on n’oublie pas. Pour ma part, je sais déjà que je ne veux pas d’une autre grossesse. Et si une deuxième grossesse devait arriver, ça sera dans plusieurs années, pas forcément de façon désirée.
Inutile de préciser que ma libido était inexistante… ce qui explique mon retard sur les tests sextoys.
Émotionnellement?
Émotionnellement, c’est particulièrement difficile pour plusieurs raisons.
Mes deux précédentes fausses couches m’ont beaucoup affaiblie, au point de penser que je ne survivrai certainement pas à une troisième. Donc j’ai été en gros stress tout ce trimestre là. J’avais très peur d’en faire une troisième, parce qu’entre mon hypothyroïdie et mon SOPK2, j’ai des prédispositions aux fausses couches. Ça m’a donc bouffé mon premier trimestre, cette anxiété constante. Les personnes n’y connaissant rien en anxiété diront “Essaye de positiver, il n’y a pas de raison que ça se passe mal“, et ces personnes là, vraiment, mon poing dans vos gueules. Et comme on n’est pas à une galère près, mon hypothyroïdie crève le plafond, ce qui fait que la fatigue et la déprime sont encore plus accentuées.
J’étais donc en permanence à fleur de peau, je pouvais pleurer pour absolument tout et n’importe quoi. Au niveau de l’humeur, c’était tout ou rien. Je pouvais être très émue pour pas grand chose, ou énervée à vouloir dépecer le premier clampin qui se mettait sur mon chemin. Et quand on s’expose sur les réseaux, c’est au quotidien. Mes envies suicidaires étaient aussi très accrues, au point ou j’en suis arrivée à fixer une date à laquelle tout arrêter si jamais il n’y avait aucune amélioration. Ça s’est calmé vers la fin du premier trimestre, j’ai effacé cette date de mon calendrier. Mais ça m’a tellement choquée d’en arriver là que je pense vivre très mal cette date une fois qu’elle sera arrivée. On verra bien.
Mes douleurs, mes vomissements constants, ma fatigue, ma peur par rapport à mon traitement, mon sevrage… tout ça à fait que j’en suis arrivée à vouloir prendre rendez-vous pour avorter. J’ai laissé traîner, à peser le pour et le contre, et le délai est passé. Mais je pense que si je l’avais fait, je l’aurais sûrement regretté. J’en suis même arrivée à me dire que finalement, si je faisais une troisième fausse couche, ça ne serait finalement pas un drame, vu comment je hais être enceinte. C’est mon mal-être qui m’a poussée.
J’ai donc beaucoup culpabilisé. Bordel, j’ai enfin eu la chance de tomber enceinte, et naturellement, alors qu’on prévoyait une éventuelle stimulation ovarienne avec ma gynéco. Je m’en suis rendue malade, et je n’en suis toujours pas remise. Là ou je culpabilise beaucoup, c’est sur un tout autre sujet… J’en ai écrit un article il y a quelques semaines que je te mets juste en dessous.
Bilan du premier trimestre
Comme tu l’auras compris, c’était un bon gros premier trimestre de merde, et à mon avis, je vais en chier jusqu’à la fin de ma grossesse. Encore une fois, ce n’est pas être pessimiste: je suis déjà dans mon second trimestre, et mes nausées ne se sont pas calmées, tout comme les autres symptômes. Vivement que tout ça soit fini et qu’on passe à autre chose, parce qu’être enceinte, ce n’est pas mon truc du tout.
Pour le moment, niveau émotionnel, c’est un peu moins pire. Les idées noires sont parties. J’ai toujours le moral en dents de scie mais en même temps, ça doit sûrement être dû à la fatigue et à mon état de base. Je pense qu’il n’est pas possible d’être bien psychologiquement quand on a mal en permanence depuis autant de temps. Le jour ou on arrivera enfin à fixer le bon dosage pour mon problème de thyroïde, ça ira déjà beaucoup mieux.
Niveau poids, j’ai pris 6kg. C’est beaucoup, mais en même temps, mon alimentation a beaucoup changé à cause de mes nausées, et l’hypothyroïdie fait prendre du poids. Je ne m’en fais pas trop pour ça, parce que je ne mange pas spécialement mal. Dans l’ensemble, mis à part certaines situations d’urgence ou il n’y a que les burgers pourris qui passent, je fais attention à mon alimentation. Cette prise de poids sera régulée quand on aura trouvé encore une fois le dosage dont j’ai besoin.
J’espère vraiment que le second trimestre sera meilleur que le premier même si je me dis qu’il peut difficilement être pire.
Et toi? Comment se passent tes premiers trimestres de grossesse? Es-tu enceinte en ce moment? Dis-moi tout!
1: SOPK: Syndrome des Ovaires PolyKystiques.
2: Algologue: Médecin spécialisé dans le domaine de la douleur.
3: Emetophobie: Peur et anxiété intense et irrationnelle du vomi et/ou des nausées. Cela peut concerner nous mêmes comme les autres. Par exemple, on peut avoir peur que les autres vomissent. C’est apparemment une des phobies les plus répandues dans le monde. Et comme toutes les phobies, ça ne se contrôle pas.