A 16 ans, jâavais une relation trĂšs conflictuelle avec ma famille, et jâai rencontrĂ© mon ex. Il avait 19 ans. Nous lâappelleront Antoine. (Oui, jâai choisi un prĂ©nom au hasard, kestuvafer?) J’avais aussi fait connaissance avec les TCA (troubles du comportement alimentaires), et je ne mangeais quasiment plus rien, ma perte de poids devenait inquiĂ©tante.
Je finissais mon annĂ©e de Seconde GĂ©nĂ©rale. Lui Ă©tait en Ă©chec scolaire, et avait dĂ©cidĂ© de rentrer Ă lâĂ©cole de police. JâĂ©tais contente pour lui quâil prenne cette dĂ©cision, mĂȘme si jâavais une apprĂ©hension envers les forces de lâordre en gĂ©nĂ©ral. Cette annĂ©e Ă©tait une annĂ©e durant laquelle il y avait eu Ă©normĂ©ment de blocages Ă mon lycĂ©e, et on passait notre temps Ă bouffer les gaz lacrymogĂšnes des CRS qui tentaient de « maintenir lâordre » Ă leur façon. JâĂ©tais tellement amoureuse et pleine dâespoirs que je pensais quâil ne serait pas comme les policierâąeâąs qui passaient dans les actualitĂ©s Ă cause de bavures diverses. Tu sais, en mode « not all cops ». Je te lâai dit: jâavais 16 ans, avec une mention spĂ©ciale naĂŻvetĂ© et immaturitĂ©.
Nous nous Ă©tions rencontrĂ©s par le biais dâun ami commun. Il mâavait parlĂ© dâAntoine, nous a fait Ă©changer nos numĂ©ros. Et on a Ă©changĂ© nos adresses MSN. (oui, câĂ©tait en 2008, le bail date) On sâest plus tout de suite, on rigolait bien, il avait lâair sympa. JâĂ©tais en totale admiration de son parcours et de ses perspectives dâavenir, et en confiance.
PremiĂšre rencontre.
Nous avons dĂ©cidĂ©, aprĂšs plusieurs semaines de MSN, de nous rencontrer IRL. (In real life, si ce terme ne tâest pas familier.) On a prĂ©vu un rencard en ville, pour manger ensemble et flĂąner. Jâavais menti Ă ma mĂšre, elle pensait que jâallais en ville avec mon meilleur ami de lâĂ©poque, quâelle connaissait bien. Jâai Ă©tĂ© impressionnĂ©e par sa taille, il mesurait un mĂštre quatre vingt dix le gonz! Avec mon moins de mĂštre soixante, je devais lui arriver Ă hauteur du dessous de bras environ. La diffĂ©rence de taille Ă©tait impressionnante. Il Ă©tait un peu rond, sa carrure Ă©tait trĂšs impressionnante. Et il Ă©tait tellement sympa quâil ressemblait Ă un gros nounours. Câest ce jour lĂ quâon sâest mis ensemble.
Si jâavais su que jâallais autant en baver, je lui aurais posĂ© un lapin.
Les débuts tout roses
Quelques semaines plus tard, il rencontre mes parents. Parce que ça semblait nĂ©cessaire, Ă©tant donnĂ© que jâĂ©tais mineure et quâon voulait passer du temps ensemble. Le courant semble bien passer, mais avec une apprĂ©hension par rapport Ă son intention de rentrer dans la police. Je nâai pas su vraiment si mes parents lâapprĂ©ciaient ou pas, au dĂ©but. Je mâen foutais un peu.
Ă ce moment lĂ , j’Ă©tais trĂšs heureuse. Je recommençais Ă manger correctement. Je le considĂ©rais (Ă tort) comme Ă©tant la personne qui m’avait sauvĂ©e de ma dĂ©pression et de mes TCA.
On se voyait tous les week-ends, je les passais chez lui et sa mĂšre. Je mâentendais bien avec elle. La premiĂšre soirĂ©e que jâai passĂ© avec eux, elle a tentĂ© de me mettre en garde, alors quâil Ă©tait parti aux toilettes. « Fais attention, il ment beaucoup. ». Sur le coup, je nây ai pas cru. Je lui ai rĂ©pondu que je ferai attention, mais que si il me respecte, il ne me mentira pas. Sinon, je mets les voiles.
Les week-ends chez lui Ă©taient acquis et non nĂ©gociables: il FALLAIT que jâaille chez lui, quoi que disaient mes parents: je mettais des affaires dans mon sac de cours, et je partais chez lui dĂšs le vendredi soir, pour revenir le dimanche. Je ne me rendais pas compte quâen fait, je ratais beaucoup de choses dans ma famille, comme lâĂ©volution de mon petit frĂšre, qui nâavait que 4 ans a lâĂ©poque. Avec le recul, je regrette beaucoup, parce que finalement, il y a aujourdâhui une distance entre nous quâil nây aurait pas eu si jâavais Ă©tĂ© prĂ©sente Ă la maison.
Tous ces week-ends Ă©taient pareils. Une routine sâinstallait. TĂ©lĂ©. Sortie. TĂ©lĂ©. Glandage. Alors que de base, je nâaime pas regarder la tĂ©lĂ©. On faisait ce quâil voulait, je mâoubliais totalement pour faire tout ce qui lui plaisait.
Les premiers stops.
Si jâavais Ă©tĂ© intelligente, ou pas aveuglĂ©e par ma naĂŻvetĂ©, jâaurais du partir au bout dâenviron 2 ans.
DĂ©tournement de mineur, isolement.
Sa mĂšre commençait Ă sâimmiscer dans notre vie de couple de façon trĂšs malsaine. Elle se prenait pour ma mĂšre et câĂ©tait vraiment gĂȘnant. Vu que câĂ©tait compliquĂ© avec ma famille, elle voulait que je vienne vivre avec eux. Je pense que Antoine Ă©tait de mĂšche avec elle sur ce sujet. Comme ça, il aurait sa petite meuf chez lui tout le temps, alors quâil Ă©tait en internat Ă lâĂ©cole de police toute la semaine. Jâai refusĂ© de vivre avec eux, sans aucune hĂ©sitation. Je nâai pas dit un gros non frontal, jâai prĂ©fĂ©rĂ© poser des questions pour la mener Ă penser que cette idĂ©e Ă©tait ridicule. Comme par exemple : « Qui va payer mes frais de santĂ©? DâĂ©cole? De transport? Qui va mâhabiller, me nourrir, payer mes lunettes? Et si on rompt un jour, je deviens quoi? »
Elle ne voyait aucun inconvĂ©nient. Pour elle, il aurait suffi que je trouve un travail et que je me dĂ©brouille, alors que jâĂ©tais au lycĂ©e. Que je serais libre de vivre ma vie comme je lâentendais si jâamĂ©nageais chez eux comparĂ© Ă chez mes parents, que je nâavais pas besoin dâeux, et que je serai heureuse. Oui oui, câĂ©taient ses arguments. CâĂ©tait nâimporte quoi. Du cĂŽtĂ© de mes parents, câest trĂšs mal passĂ©. CâĂ©tait typiquement du dĂ©tournement de mineur. Et oui, le dĂ©tournement de mineur, ce nâest pas « juste » un majeur qui couche avec une mineure consentante, de plus de 15 ans.
Câest Ă ce moment lĂ que jâaurais du me barrer. Lui et sa mĂšre commençaient Ă me couper de toutes les relations, quâelles soient familiales ou amicales. On me proposait de couper les ponts avec ma famille parce que jâĂ©tais maltraitĂ©e. Et les amis? Je ne les voyais quasiment plus, parce que je nâĂ©tais plus dispo le week-end.
Mais naĂŻve comme jâĂ©tais, jâai juste dĂ©clinĂ© la proposition et continuĂ© comme si de rien nâĂ©tait. Mes parents essayaient de me mettre en garde, jâen avais RIEN Ă foutre. JâĂ©tais tellement conne.
Relation malsaine.
Entre Antoine et moi, câĂ©tait, avec du recul, bizarre. Mais sur le coup, câĂ©tait normal pour moi. On ne faisait que baiser. On faisait tout comme il voulait, et clairement: il Ă©tait nul au pieu. Mais si je ne ressentais rien, câĂ©tait de ma faute. Et oui, jâen Ă©tais arrivĂ©e Ă penser cela. Il pensait quâĂ sa gueule au lit. JâĂ©tais sensĂ©e aimer, mais câĂ©tait vraiment pas ouf.
Un soir, jâai dĂ©couvert quâil regardait du porno vraiment crade, en jouant sur son iPod touch. Jâai Ă©tĂ© Ă©cĆurĂ©e, vraiment. Rappel: jâavais 16 ans, câĂ©tait mon premier mec. Il me promettait Ă chaque fois dâarrĂȘter. Il a mĂȘme osĂ© me dire une fois que c’Ă©tait “pour [lui] donner des idĂ©es au lit” et mĂȘme “pour apprendre de nouvelles choses“! Le culot, quand on sait que le porno, c’est avant tout de la performance et de la fiction. Personne n’apprend Ă conduire grĂące Ă Fast and Furious mec. On sait tousâątes que ce qui est montrĂ© dans le porno, la plupart du temps, c’est centrĂ© sur la pĂ©nĂ©tration⊠et que ce n’est pas la pĂ©nĂ©tration qui donne des orgasmes, sur une grande majoritĂ© de femmes (ou personnes avec des attributs fĂ©minins). Mais il ne respectait jamais ses promesses. Jâavais lâimpression « de ne pas lui suffire », je me sentais « trahie ».
Quand il mâa annoncĂ© quâil allait aller au salon de lâĂ©rotisme avec ses potes beaufs se payer des strips et des shows privĂ©s, jâai complĂštement pĂ©tĂ© un cĂąble. Il sâen foutait. Pour lui, jâĂ©tais acquise. Il savait que je resterais. Et il avait raison. (prĂ©cision: il avait raison dans le sens ou il savait que je n’oserais jamais partir “pour ça”. Je ne lui donne pas raison de cette attitude.)
RAPPEL:
Mater du porno, câest ok. Câest ok dâavoir son jardin secret. Cependant, si ta moitiĂ© se sent trahie par ça, COMMUNIQUEZ. Personne nâest acquis. Il ne faut pas « sâen foutre » des Ă©motions de lâautre comme ça. Communiquez.
Encore une fois, jâavais envie de me barrer. Je ne lâai pas fait. “Câest bon, elle est acquise.”
L’Ăźle du cul.
Ce qui a fait dĂ©border le vase, câest quand il a voulu partir avec son pote cĂ©libataire et qui saute sur tout ce qui bouge⊠deux semaines Ă Ibiza. Clairement: je nâĂ©tais pas dâaccord. Parce que je savais que son pote y aller pour enchaĂźner du cul en boĂźte. Je ne faisais aucune confiance Ă son ami, et je savais que Antoine Ă©tait du genre Ă le suivre, et qu’il en avait rien Ă faire de mon avis. Si il y Ă©tait allĂ© avec des amis sĂ©rieux, ou juste pas du genre Ă sauter sur tout ce qui bouge ou qu’il m’avait juste proposĂ© de venir, ma rĂ©action aurait Ă©tĂ© diffĂ©rente.
Et tu veux la meilleure? Je n’Ă©tais pas genre Ă ĂȘtre envahissante. Il ne m’a quasiment pas envoyĂ© de nouvelles pendant ces deux semaines! Je demandais juste la moindre des choses: un minimum de nouvelles. MĂȘme pas tous les jours. Juste savoir si tout allait bien. C’est tout. Alors que j’Ă©tais en contact avec des amis Ă lui, qui avaient des nouvelles tous les jours⊠Son prĂ©texte, c’Ă©tait “on a pas internet dans l’hĂŽtel”. Ok, on Ă©tait en 2010, on n’avait pas encore de forfaits DATA pour l’Europe, je suis capable de comprendre. Sauf qu’il publiait des trucs sur Facebook tous les jours. Au bout d’un moment, j’en ai marre de me faire prendre pour une conne, normal.
RAPPEL:
Personne n’a Ă t’empĂȘcher de faire quoi que ce soit. J’avais 18 ans.
Cependant, ta moitiĂ© doit te respecter. Et aller sur l’Ăźle du cul sans prendre la peine de me rassurer, et y aller avec un gros queutard pour flirter, et revenir avec des photos de meufs plein la carte mĂ©moire de MON appareil photo, c’est pas du respect.
Et trop bonne trop conne⊠Je suis restée.
Forcée.
Pour mes 19 ans, il a voulu m’organiser une fĂȘte surprise. L’idĂ©e de base Ă©tait trĂšs chouette et bien organisĂ©e, je le reconnais. Je passais l’aprĂšs-midi en ville avec ma meilleure amie, et j’Ă©tais sensĂ©e rentrer chez lui le soir, pour notre week-end de d’habitude.
Quand je suis arrivĂ©e chez lui, j’ai dĂ©couvert une table pleine de nourriture, ma meilleure amie (oui, la mĂȘme que j’avais vue juste avant) et quelques amis Ă lui dans le salon. J’Ă©tais contente de cette fĂȘte surprise. C’est au moment de dĂ©couvrir mes cadeaux que ça s’est gĂątĂ©.
Il a mis un genou par terre. A sorti un Ă©crin contenant une bague. Et il m’a demandĂ© si je voulais ĂȘtre sa fiancĂ©e. Premier problĂšme: on ne demande pas si la personne veut ĂȘtre ta fiancĂ©e, on demande en mariage. Mais je reconnais, je chipote. Tout le monde nous regardait. La bague Ă©tait trĂšs jolie, c’est vrai. Mais je ne voulais pas me marier avec lui. Je ne voulais mĂȘme pas me marier tout court. On avait eu, pour moi, trop de problĂšmes pour envisager de se marier et de, normalement, passer le reste de notre vie ensemble. Et Ă 19 ans? Je trouvais ça trop jeune.
Sauf que tout le monde nous regardait, en attendant le classique “oui”. Qu’est ce que je pouvais faire Ă ce moment lĂ ? Dire non, et donc la vĂ©ritĂ©, au risque de voir toute cette soirĂ©e gĂąchĂ©e? Sachant que pour moi, dire non, c’Ă©tait mettre fin au couple? J’ai dit oui parce que j’avais peur de dire non, et que je trouvais la bague jolie. Et je n’ai jamais dit la vĂ©ritĂ© Ă propos de cette soirĂ©e.
On a emménagé ensemble.
Ăa semblait aller bien, quasiment deux ans aprĂšs Ibiza. (Je sais ce que tu te dis dans ta tĂȘte, tu te dis que je suis vraiment conne. Je suis d’accord avec toi, j’ai Ă©tĂ© une vraie conne. Cela s’appelle aussi de la dĂ©pendance affective, de ne pas ĂȘtre capable de partir d’un couple malsain.) On a donc dĂ©cidĂ© de prendre un appartement.
Cet appartement Ă©tait gĂ©nial. Vraiment. Je m’y sentais bien chez moi, il Ă©tait proche des transports en commun, pas trop loin de chez mes parents si jamais il y avait un souci. J’allais tout juste avoir 20 ans. Et oui, j’ai emmĂ©nagĂ© avec un mec qui gagnait un SMIC alors que je n’avais pas de travail, et que j’avais du arrĂȘter mes Ă©tudes Ă cause de ma dĂ©pression. DĂšs le dĂ©but ça s’annonçait mal.
J’ai dĂ©couvert de ces trucsâŠ
Avant, on ne se voyait que les week-ends. Donc relativement peu. C’est en amĂ©nageant chez lui que je me suis rendue compte de ce qui clochait.
Sale sale!
J’ai commencĂ© Ă avoir des mycoses vaginales. C’est horrible, vraiment. Je me suis soignĂ©e, et j’ai pas cherchĂ© plus loin. Mais en fait, le gonz Ă©tait sale! J’en Ă©tais venue Ă vĂ©rifier si sa brosse Ă dents Ă©tait mouillĂ©e ou non⊠et elle pouvait rester sĂšche trĂšs longtemps. Genre trois jours facile. C’Ă©tait vraiment horrible. Et il le prenait trĂšs mal, quand je lui disais qu’il Ă©tait sale, et qu’il devait se laver. Vraiment. Ăa a Ă©tĂ© un de nos plus gros conflits. Pareil pour les fellations. Je refusais d’en faire parce que je trouvais ça sale⊠Et je pensais que c’Ă©tait normal, que ça sente mauvais et que le goĂ»t soit dĂ©goĂ»tant. Mais en fait, non. C’Ă©tait juste un porc. (C’est trĂšs malpoli vis Ă vis de ces animaux, je sais. Mais il Ă©tait vraiment crade, et moi vraiment conne.)
Menteur.
J’ai aussi dĂ©couvert qu’il osait me regarder dans les yeux, en me disant qu’il ne me mentait plus, alors que je captais les mensonges. Exemple: le porno. Au pire, on s’en tape qu’il en regarde ou pas. Franchement osef depuis. Mais au moins, assume et dis la vĂ©ritĂ© bordel, au lieu de me regarder en face et me jurer sur la tĂȘte de ta vieille follasse de mĂšre que ce n’Ă©tait plus le cas. Je voulais juste de l’honnĂȘtetĂ©.
Inutile de rappeler qu’au pieu, c’Ă©tait toujours aussi horrible. Je pensais que c’Ă©tait normal de ne rien sentir. De faire ce qu’on faisait.
Flic trash.
En l’attendant Ă la salle d’attente du commissariat dans lequel il travaillait un soir, afin qu’on rentre Ă la maison ensemble vu que je n’avais pas de voiture, je l’ai entendu dire un truc qui m’a choquĂ©e Ă vie. Une femme habillĂ©e court est entrĂ©e en pleurant pour demander Ă porter plainte pour agression sexuelle ou viol, je ne me souviens plus trĂšs bien. Elle a attendu. Et elle est entrĂ©e dans la salle de dĂ©pĂŽt de plainte. Ce gros connard, il Ă©tait dans la piĂšce Ă l’arriĂšre de l’accueil avec des collĂšgues Ă lui, et j’ai entendu ça. “En mĂȘme temps, t’as vu comment elle Ă©tait sapĂ©e? C’est de l’appel au viol, une jupe pareille“. Je ne lui ai pas adressĂ© un mot de la soirĂ©e.
Sauf qu’il a pas aimĂ© du tout. Du tout.
C’est montĂ© crescendoâŠ
Il a commencĂ© Ă devenir violent. Ăa a commencĂ© par des rĂ©flexions en permanence sur tout et n’importe quoi. Par des remarques sur mon physique. Et oui connard, Ă©videmment que j’Ă©tais maigre, puisqu’on ne pouvait plus faire de courses Ă partir du 15 du mois!
Il dĂ©pensait sans compter. Pendant que moi, j’enchainais formations, petits jobs, et la pire chose que j’ai du faire pour essayer de ramener de la tune⊠parce que j’avais la dalle. Pour faire les courses? Je devais aller en Ă©picerie solidaire parce que Monsieur ne voulait pas y aller parce qu’il “ne voulait pas passer pour un bouseux”. Sauf que ce n’est pas ĂȘtre un bouseux, que de devoir se nourrir dans les Ă©piceries solidaires. C’est ĂȘtre dans la merde financiĂšrement oui, mais c’est pas ĂȘtre un bouseux. Pour 15 euros, j’avais un panier d’une semaines de courses pour deux personnes de nourriture aux dates limites limites, et des invendus des magasins.
AprĂšs, on est passĂ©s aux insultes. Je ne pouvais rien lui dire ni mĂȘme rĂ©pliquer, parce que j’avais peur de m’en prendre une. Ăa n’Ă©tait jamais arrivĂ©, mais je ne sais pas pourquoi, j’avais peur. Je savais qu’il avait dĂ©jĂ failli casser la gueule Ă un de ses amis, parce qu’il Ă©tait en colĂšre. Il m’avait dĂ©jĂ racontĂ© que si il Ă©tait “trop en colĂšre”, il pouvait arriver qu’il ait envie de donner des coups de poing. MĂȘme Ă ce gros redflag (drapeau rouge), je n’Ă©tais mĂȘme pas partie! Je le savais depuis des annĂ©es⊠mais j’Ă©tais persuadĂ©e qu’il n’en arriverait jamais lĂ avec moi. En mĂȘme temps, le mec de 1m90 pour 120 kilos, il avait de quoi impressionner.
J’ai perdu le peu de confiance en moi que j’avais. Je ne pouvais plus travailler tellement j’Ă©tais fatiguĂ©e d’avoir la dalle, des remarques et des insultes en permanence. Il me pompait toute mon Ă©nergie.
J’ai fini par avoir un pet de cerveau. J’ai pris un sac, des fringues. Je l’ai rempli Ă la va vite, et j’ai voulu partir Ă pied chez mes parents. Je n’en pouvais plus. Il m’a vue et il a captĂ©. Il m’a attrapĂ©e par les bras et m’a balancĂ© sur le lit. J’Ă©tais maintenue sous lui, bloquĂ©e, et il me hurlait et me pleurait dessus. J’Ă©tais dans la merde. Et j’Ă©tais terrorisĂ©e. J’ai compris qu’il fallait que je me sauve, mais en mĂȘme temps, j’avais peur de ce que je pouvais subir si je partais. J’avais peur de reprĂ©sailles.
⊠jusqu’Ă ce que j’ose.
C’est vraiment triste Ă dire, je le sais. Mais dans mon cas, mĂȘme si ça a Ă©tĂ© une Ă©preuve terrible Ă vivre, le harcĂšlement sexuel que je subissais Ă l’Ă©poque m’a Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique dans le sens ou j’ai compris beaucoup de choses.
Alors attention: je ne dis pas que c’est bien de subir du harcĂšlement, et je n’encourage personne Ă harceler qui que ce soit. Je parle de mon cas personnel uniquement. Je n’ai pas rĂ©alisĂ© dĂšs le dĂ©but que c’Ă©tait du harcĂšlement sexuel, je pensais juste avoir fait cocu mon mec. Lis l’article mentionnĂ© plus haut et tu comprendras đ
J’ai compris que je pouvais plaire, contrairement Ă ce que ce connard d’ex me disait. Pour lui, j’Ă©tais une sous-merde, et je devais m’estimer chanceuse d’ĂȘtre encore avec lui. J’avais perdu le peu de confiance en moi qui me restait, et voir que je pouvais plaire Ă quelqu’un d’autre m’a rassurĂ©. J’ai commencĂ© Ă envisager que je pouvais vivre une autre vie ailleurs, et pas forcĂ©ment seule. Il existait des hommes qui n’Ă©taient pas toxiques (Bon, le mec qui m’a fait dĂ©couvrir ça Ă©tait carrĂ©ment chelou, mais je ne m’en suis rendue compte qu’aprĂšs.). J’ai compris en frĂ©quentant quelqu’un d’autre que ma situation avec Antoine n’Ă©tait vraiment pas normale, comme un dĂ©clic. J’en Ă©tais Ă demi consciente, avant ça. Ce dĂ©clic m’a fait du bien, mĂȘme si finalement, cette liaison extĂ©rieure Ă©tait elle aussi trĂšs toxique.
Le point de non-retourâŠ
En fĂ©vrier 2014, on a atteint le point de non-retour. Nous nous Ă©tions disputĂ©s trĂšs violemment, je ne me rappelle mĂȘme plus pourquoi. Mais on s’est disputĂ©s assez fort pour que je puisse rĂ©ellement avoir peur pour ma vie. Il a donnĂ© un Ă©norme coup de poing dans la porte de la chambre, et a fait un trou dedans. Il a vu que j’Ă©tais en panique, et il a essayĂ© de me rassurer en me disant que je devais m’estimer heureuse que ce poing, il ne me l’ait pas mis dans la gueule. Qu’il a tapĂ© dans la porte au lieu de ma gueule parce qu’il ne voulait pas me faire de mal.
J’Ă©tais terrorisĂ©e, je me suis enfermĂ©e dans la salle de bains, j’ai appelĂ© mes parents en urgence pour qu’ils viennent me chercher. Ils sont venus tout de suite, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai pu prĂ©parer mes affaires et partir. Jamais il n’aurait osĂ© me frapper devant mes parents, parce qu’il savait qu’il aurait une plainte sur la gueule, avec deux tĂ©moins. Et rappelle-toi, il Ă©tait policier.
On prĂ©voyait avec mes parents de me prendre vite fait en urgence et que je retourne vivre chez eux, et qu’on rĂ©cupĂšrerait mes meubles et mon Ă©lectromĂ©nager plus tard. Tout rĂ©cupĂ©rer tout de suite Ă©tait impossible.
J’ai passĂ© la pire semaine de ma vie. J’ai Ă©tĂ© profondĂ©ment choquĂ©e par ce jour lĂ . Je me rappellerai toujours de la date, c’Ă©tait le 22 FĂ©vrier. D’un cĂŽtĂ©, j’Ă©tais soulagĂ©e d’ĂȘtre partie. Mais de l’autre, j’Ă©tais encore plus en panique. MĂȘme si il m’avait fait peur, j’Ă©tais en grosse dĂ©pendance affective. Je m’en rendais malade, d’ĂȘtre sĂ©parĂ©e de lui et de mon chez-moi. J’ai mĂȘme failli me foutre en l’air Ă cause de ce connard. Oui oui.
⊠et mon plan.
Pour lui, c’Ă©tait dĂ©finitivement fini. Moi, j’espĂ©rais encore. Et ce porc, tu sais, il n’Ă©tait pas honnĂȘte. Pendant que j’Ă©tais chez mes parents, il me faisait croire qu’on pourrait reprendre de zĂ©ro⊠tout en disant Ă tout le monde que j’Ă©tais une tarĂ©e et qu’il allait officiellement me plaquer. J’ai donc rĂ©flĂ©chi Ă un truc. J’ai tout fait pour qu’on se rabiboche, pour rentrer chez moi. Je ne voulais pas rester chez mes parents. Et le plan, c’Ă©tait qu’on se rabiboche assez bien pour que je puisse le foutre dehors, et rĂ©cupĂ©rer l’appartement.
J’ai rĂ©ussi Ă revenir, une semaine aprĂšs. Oui, il Ă©tait trĂšs trĂšs influençable. J’en suis arrivĂ©e Ă devoir prĂ©senter des excuses Ă sa mĂšre et Ă ses amis que je haĂŻssais (et rĂ©ciproquement), pour pouvoir rĂ©cupĂ©rer mes affaires et mon chez-moi. Mais la seconde partie du plan, je l’ai Ă©chouĂ©e. J’ai cherchĂ© un appartement et je suis partie avec tous les meubles qui m’appartenaient, du jour au lendemain. Sans le prĂ©venir. La semaine d’aprĂšs, je suis allĂ©e rĂ©cupĂ©rer d’autres affaires et l’argent qu’il m’a volĂ©, et c’Ă©tait fini.
Entre le moment ou je suis revenue chez “nous” et le moment ou je suis partie dĂ©finitivement, clairement, je ne l’aimais pas. J’ai du croire pendant deux semaines que tout pouvait redevenir bon, et j’ai trĂšs trĂšs vite compris que ce ne serait pas le cas. On faisait chambre Ă part, nous Ă©tions juste en colocation le temps que je parte, finalement. Il savait que je cherchais un nouveau logement et que je partirai trĂšs vite, mais il ne savait pas quand prĂ©cisĂ©ment.
Oui, clairement, j’ai agi comme une connasse. C’Ă©tait totalement immoral, et je l’assume Ă 100%. Mais c’Ă©tait un juste retour des choses. J’ai dĂ©cidĂ© ne de plus me laisser faire, et j’ai voulu qu’il galĂšre trĂšs fort. Qu’il paye pour ce qu’il m’avait fait.
Nouvelle vie
C’est Ă ce moment lĂ que j’ai commencĂ© Ă regarder ailleurs, niveau relations. Juste avant de partir de chez mon ex. Avec le recul, je me rends compte que je n’aurais peut-ĂȘtre pas du me remettre Ă frĂ©quenter des hommes tout de suite, et qu’il aurait fallu plutĂŽt que j’apprenne Ă ĂȘtre heureuse seule, avant de vouloir ĂȘtre heureuse Ă deux de nouveau.
J’ai frĂ©quentĂ© pas mal de personnes. Ce n’Ă©taient pas forcĂ©ment des relations amoureuses, c’Ă©tait surtout du cul. J’ai eu la chance de tomber sur des personnes plutĂŽt bienveillantes, Ă deux ou trois exceptions prĂšs. C’est aussi Ă ce moment lĂ que j’ai rencontrĂ© celui qui est aujourd’hui mon mari. J’ai eu la chance de le rencontrer, parce que nous vivons une relation saine, sans mensonges, sans violence.
Ă propos de violence.
La violence dans un couple, s’installe petit Ă petit, et de façon trĂšs insidieuse. On ne s’en rend vraiment compte que quand le point de non-retour est atteint. Les gens auront beau essayer d’alerter la victime, elle n’en croira pas un mot et restera dans le dĂ©ni. Parce que partir, ça peut faire peur. Jusqu’Ă ce que la catastrophe arrive. La relation toxique, elle se voit parfois par l’entourage, et la principale personne concernĂ©e peut ne pas s’en rendre compte. Pareil pour les proches.
Tout ce qu’il s’est passĂ©, j’en garde encore des sĂ©quelles plus de six ans aprĂšs. Il m’a encore emmerdĂ©e mĂȘme bien aprĂšs mon dĂ©part, mais je ne t’ai Ă©crit que les grandes lignes. Peut-ĂȘtre que je reviendrai sur certains Ă©vĂšnements prĂ©cis. J’ai eu la “chance” de partir in extremis les deux fois ou on m’a ramassĂ© Ă la petite cuillĂšre. Je pense que si mes parents n’Ă©taient pas venus me chercher en urgence, il m’aurait vraiment cassĂ© la gueule.